jeudi 28 décembre 2017

Défense de Prosper Brouillon

Eric Chevillard
Notabilia, 2017


Le 25 décembre est vraiment une journée particulière. Entre le brouillard qui enveloppe mon cerveau et celui que je perçois derrière mes fenêtres, je n’ai généralement qu’une seule envie: m’installer sur mon canapé, bien emmitouflée dans mon plaid, et laisser paisiblement s’égrener les heures. Encore pour cela me faut-il le compagnon idéal... Vous voyez ce que je veux dire, n’est-ce pas ? 
Eh bien cette année, ça tombe bien, je l’avais reçu la veille, ce compagnon idéal. Suivant les conseils avisés de deux blogueuses qui me sont chères, Nicole et Catherine-Papillon, j’avais incidemment mentionné que je serais très curieuse de découvrir le dernier livre d’Eric Chevillard au titre plus que suggestif, Défense de Prosper Brouillon...

Or, ce texte, fort joliment illustré, s’est révélé une vraie friandise, de celles qui appellent votre main à plonger sans cesse dans le paquet, jusqu’à ce que celui-ci, à votre grande stupeur, finisse par être vide! 

Chevillard, on le connaît au moins pour le feuilleton qu’il tint plusieurs années durant dans Le Monde des livres. Alors, des romans, c’est sûr, il en a lu ! De toute nature. Des bons et des moins bons, forcément. Mais ce qui l’irrite par-dessus tout, c’est la posture du petit monde germano-pratin - dont, soit dit en passant, les frontières excèdent largement le périmètre du sixième arrondissement parisien - toujours enclin à fustiger les auteurs à succès. Chevillard entreprend donc de réhabiliter ceux qui ont l’heur de vendre leurs livres par dizaines, voire centaines de milliers d’exemplaires sitôt qu’ils paraissent...

Evoquant le dernier succès du bien nommé Prosper Brouillon, les Gondoliers, il nous en présente les héros et l’art avec lequel l’auteur chéri du public les met en situation. Un art très personnel ! Dès l’entrée en matière, on commence à sourire. Et plus Chevillard développe son argumentaire, plus on a envie de rire. Un rire qu’on ne peut réprimer à la lecture de certaines citations.

Vous l’aurez compris, ce petit pamphlet reprend à son compte les propos qu’il prétend condamner, et c’est un véritable régal de le déguster lorsqu’on s’intéresse à la littérature contemporaine. Il prend surtout toute sa saveur lorsqu’on apprend que les dites-citations sont extraites de romans plus ou moins récemment publiés et ayant reçu un accueil chaleureux de la part du public, voire des jurys littéraires. 

Tiens, je vous en offre une, c’est mon cadeau de Noël !

Ils s’engageaient confiants dans l’étroit couloir du bonheur, en croyant aux rhododendrons de leur passion.
De la pure poésie, non ? 

A propos, vous faites quoi le 1er janvier ?


Bien évidemment, je vous renvoie aux billets de Catherine et Nicole



mardi 26 décembre 2017

Il n’y a pas Internet au paradis

Gaëlle Pingault
Editions du Jasmin, 2017


Combien sont douloureux certains sujets... La violence au travail en est un particulièrement sensible, et la souffrance qu’elle génère est à la fois au plus intime d’un individu et un mal si largement répandu qu’il en devient un sujet de société. Ce qui le rend probablement d’autant plus difficile à approcher et à traiter sous une forme romanesque.

Dans Il n’y a pas Internet au paradis, Gaëlle Pingault évoque le suicide d’un quadra victime de harcèlement moral à travers le regard de sa compagne. Surmontant sa douleur, Aliénor essaie de comprendre ce qui a pu conduire Alex à ce geste. Grâce aux témoignes de quelques collègues, à ses souvenirs des paroles d’Alex, mais aussi grâce à ce qu’elle découvre, comme tout un chacun, dans la presse et les médias sur certaines méthodes de management, elle parvient à saisir ce qu’a pu endurer son compagnon. Elle envisage alors de contraindre le supérieur hiérarchique de ce dernier à lâcher une somme d’argent suffisamment significative pour pouvoir être interprétée comme une reconnaissance implicite de sa responsabilité dans le drame.

La violence au travail, le harcèlement moral sont des sujets qui, pour différentes raisons, me touchent particulièrement. Aussi suis-je assez encline à lire des romans qui s’y frottent. Mais j’en attends beaucoup. J’attends une tentative d’expliquer les mécanismes à l’oeuvre dans la relation qui se joue dans cette tentative de destruction. J’attends un texte dont la puissance soit à la mesure du mal qu’il tente de cerner. J’attends une certaine hauteur de vue qui permette d’appréhender les choses d’un point de vue social. Ou bien quelque chose au contraire de très intime qui permette de traduire l’extrême violence et les ravages que produisent de tels actes sur un individu.

Je ne vais pas dire que Gaëlle Pingault passe à côté de son sujet. Les scènes qu’elle restitue sont tout à fait crédibles et son texte se lit très aisément, on ne s’y ennuie guère. Mais j’ai trouvé ce livre d'une grande platitude, tant sur le fond, fait de propos assez convenus mêlant les gros titres de la presse avec les commentaires que tout un chacun peut formuler dans sa cuisine, que sur la forme, qui emprunte au style oral le plus banal.  
On pourra me trouver un peu sévère, mais il est vrai que j’ai en tête des textes comme Les heures souterraines, de Delphine de Vigan ou Alice ou le choix des armes de Stéphanie Chaillou qui m’ont estomaquée par leur justesse et leur finesse d’analyse sur la relation qui se noue entre ce type de bourreau et sa victime, leur capacité à révéler le caractère insidieux des agissements qui détruisent un être et l'incapacité à activer des mécanismes de défense dans laquelle s'installe progressivement la victime... Bref, pour moi, et comme pourrait le dire Aliénor, il n’y a pas photo : si le sujet vous intéresse, je vous engage vivement à lire les romans que je viens de citer.


Une fois n'est pas coutume, Nicole ne partage pas mon même avis sur ce livre, qu'elle a beaucoup aimé, tout comme Joëlle





Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer, L’Observatoire
Et soudain, la liberté, Evelyne Pisier & Caroline Laurent, Les Escales
Faux départ, Marion Messina, Le Dilletante
Il n’y a pas Internet au paradis, Gaëlle Pingault, ediditions du Jasmin
Imago, Cyril Dion, Actes Sud
La fille du van, Ludovic Ninet, Serge Safran
Catherine Baldisseri, Intervalles
Le courage qu’il faut aux rivières, Emmanuelle Favier, Albin Michel
Les liens du sang, Errol Henrot, Le Dilettante
Ma reine, Jean-Baptiste Andrea, L’Iconoclaste
Mademoiselle, à la folie, Pascale Lécosse, La Martinière
Neverland, Timothée de Fombelle, L’Iconoclaste
Ostwald, Thomas Flahaut, L’Olivier
Parmi les miens, Charlotte Pons, Flammarion
Redites-moi des choses tendres, Soluto,Le Rocher
Sauver les meubles, Céline Zufferay, Gallimard
Son absence, Emmanuelle Grangé, Arléa
Une fille, au bois dormant, Anne-Sophie Monglon, Mercure de France




vendredi 8 décembre 2017

Ces rêves qu’on piétine


Sébastien Spitzer

L’Observatoire, 2017




Vous avez certainement entendu parler de ce roman : il a été plébiscité par la blogosphère, et l’on criait déjà au chef-d’œuvre dès avant sa sortie, au cours de l’été dernier. C’est vous dire si la curiosité était vive et l’attente considérable... Démesurée, même, serais-je tentée de dire. 
Quant à moi, j’ai préféré attendre que le soufflé retombe un peu. Et puis je n’étais sans doute pas si pressée de me jeter sur un nouveau roman ayant pour sujet la Seconde Guerre mondiale...

Nous sommes donc au printemps 1945, le IIIe Reich vit ses derniers jours et, dans Berlin assiégé, Hitler et son fidèle lieutenant Goebbels, la femme et les six enfants de ce dernier se terrent dans un bunker, là même où ils ne tarderont pas à se donner la mort. La narration alterne entre les réflexions et les souvenirs de Magda Goebbels, et ceux de plusieurs déportés juifs, parmi lesquels le propre père de Magda, qu’elle avait choisi de rejeter pour mieux complaire au régime nazi.
Le contraste entre l’incompréhension d’un père abandonné par sa fille ainsi que le récit des atrocités commises par les bourreaux nazis et la sécheresse d’une femme aveuglée par l’ambition accentue encore, si cela était possible, la barbarie de ce régime. 

Si l’écriture de ce roman est vive, si le rythme est très bien maîtrisé, je n’ai pas eu le sentiment d’apprendre beaucoup de choses à sa lecture. Certes, j’ai découvert la personnalité de Mme Goebbels dont j’ignorais tout, je l’avoue. On a à faire à une femme froide et dénuée de scrupules, mais à quoi pourrait-on s’attendre de la part des dignitaires du régime nazi ? Ce personnage permet néanmoins d’illustrer jusqu’à quel degré de renoncement à toute forme d’humanité celui-ci put conduire les individus. Ce qui n’est certes pas si mal, mais qui ne suffira pas, en ce qui me concerne, à faire de ce livre un incontournable.


Amandine et Nicole, comme d'autres lecteurs des 68, ont aimé


Ces rêves qu’on piétine, Sébastien Spitzer, L’Observatoire
Et soudain, la liberté, Evelyne Pisier & Caroline Laurent, Les Escales
Faux départ, Marion Messina, Le Dilletante
Il n’y a pas Internet au paradis, Gaëlle Pingault, ediditions du Jasmin
Imago, Cyril Dion, Actes Sud
La fille du van, Ludovic Ninet, Serge Safran
Catherine Baldisseri, Intervalles
Le courage qu’il faut aux rivières, Emmanuelle Favier, Albin Michel
Les liens du sang, Errol Henrot, Le Dilettante
Ma reine, Jean-Baptiste Andrea, L’Iconoclaste
Mademoiselle, à la folie, Pascale Lécosse, La Martinière
Neverland, Timothée de Fombelle, L’Iconoclaste
Ostwald, Thomas Flahaut, L’Olivier
Parmi les miens, Charlotte Pons, Flammarion
Redites-moi des choses tendres, Soluto,Le Rocher
Sauver les meubles, Céline Zufferay, Gallimard
Son absence, Emmanuelle Grangé, Arléa
Une fille, au bois dormant, Anne-Sophie Monglon, Mercure de France

dimanche 3 décembre 2017

Sélection Noël 2017

Comme chaque année, à l’approche des fêtes, je vous livre mes lectures préférées, celles qui m’ont touchée, émue, éblouie, celles qui m’ont marquée. Peut-être y trouverez-vous quelques cadeaux précieux à offrir à ceux que vous aimez.



Empruntant le titre de son roman à Jules Vallès, Michèle Audin nous fait revivre le Paris de la Commune. L’espoir, la joie de vivre, le rêve fou d'une société plus juste, malgré la menace persistante et grandissante de la répression, tout ce qui fit de ces soixante-douze jours un moment unique de notre histoire, avant le massacre et l’opprobre, est au coeur de ce roman.

François-Henri Désérable, Un certain M. Piekielny, Gallimard
Est-ce une enquête littéraire ? Un autoportrait de l'écrivain ? Une déclaration d'amour à Romain Gary? Ce pétillant roman est tout cela à la fois. Servi par un style alerte et élégant, il vous offrira surtout un vrai bonheur de lecture!

Erwan Larher, Le livre que je ne voulais pas écrire, Quidam éditeur
Ne vous laissez pas rebuter par le sujet. Si Erwan Lahrer se trouvait au Bataclan le 13 novembre 2015, s’il en a fait un livre, celui-ci est tout sauf revanchard ou larmoyant. Bien au contraire, c’est un texte fin, généreux, drôle aussi parfois, et c’est également un très bel hommage rendu à la littérature. 

Bertrand Leclair, Chantier Gauguin, Publie.net  
Une fois n’est pas coutume, j’inclus un essai à ma sélection de livres. Si vous avez aimé l’exposition Gauguin du Grand Palais ou si vous comptez aller la voir, ce petit livre paru cette année, qui réunit un feuilleton radiophonique relatant la vie du peintre, ainsi que des études de tableaux et une postface à l’un de ses écrits, vous permettra de mieux connaître et comprendre l’artiste, et de découvrir certains de ses aspects méconnus. A compléter par le très beau roman que Bertrand Leclair écrivit par la suite, Le vertige danois de Paul Gauguin (Actes Sud).

Evelyne Pisier & Caroline Laurent, Et soudain, la liberté, Les Escales
Un roman inspiré de la vie d’Evelyne Pisier, le cheminement et le combat de deux femmes, mère et fille, en faveur de la liberté, dans la France de l’après-guerre et des années 70. Un roman sensible et solaire qui porte haut les couleurs des femmes !

Eric Reinhardt, La chambre des époux, Gallimard
C’est sûr, ce roman-ci ne plaira pas à tout le monde. Mais si vous avez à faire à quelqu’un qui aime le vertige que procure un romancier s’amusant à brouiller les pistes entre fiction et réalité, alors soyez certain que vous le comblerez. Car Reinhardt atteint ici des sommets de maestria ! L’émotion et une pointe d’auto-dérision en plus.

A compléter avec ma sélection de l’été 2017, le début d’année ayant également vu de très très belles parutions !



Je vous souhaite à tous d’excellentes fêtes... 
et de merveilleuses lectures