jeudi 13 avril 2017

La plume

Virginie Roels

Stock, 2017



C'est déjà l'entre-deux-tours des élections...

Ce roman-là, je l’ai très vite repéré et j’ai eu aussitôt envie de le lire. Il faut dire que son sujet en ferait presque un document d’actualité. Jugez-en plutôt : il y est question de la manière dont un candidat - et pas des moindres, puisqu’il s’agit du chef de l’Etat candidat à sa propre succession - gère sa communication dans la campagne présidentielle. Sauf que Virginie Roels nous en propose un traitement romanesque assez inattendu.
Certes, aujourd’hui, plus rien ne semble pouvoir nous étonner, tant nous sommes abreuvés, atterrés, par les bassesses et compromissions d’une partie de notre personnel politique. Mais, comme toujours, je préfère observer les choses à travers le filtre de la fiction et le recul qu’offre celle-ci. Or, Virginie Roels, qui fut elle-même journaliste d’investigation, a amassé sans doute suffisamment de matière pour nourrir son roman, qui se révèle parfaitement jubilatoire.

Tout démarre comme un roman policier : l’auteure nous propulse d’emblée dans le moment de bascule, lorsque le Président Debanel, lors du débat télévisé de l’entre-deux-tours, perd littéralement son sang-froid et compromet ainsi définitivement sa réélection. Pourquoi ? Comment ? C’est le mystère que va s’employer à percer une jeune journaliste, amenée à remonter le cours des événements et découvrir ainsi les coulisses du pouvoir...

Mais attention, si la jeune femme qui entreprend cette enquête est bien détentrice d’une carte de presse, elle pige pour... TV Big Chaîne ! Et lorsqu’on l’envoie couvrir le débat, ce n’est pas pour en proposer une analyse politique, mais pour offrir aux lecteurs du magazine télé une somme d’anecdotes rigolotes. Le ton est donné. Si le sujet est grave, l’auteure n’a pas l’intention de nous accabler davantage que nous le sommes déjà, ce dont je lui sais gré en ces jours où nous nous préparons à déposer notre bulletin dans l’urne...
Installée dans le public, seule cette journaliste déterminée à donner à sa carrière une nouvelle orientation semble avoir remarqué ce jeune homme au sourire de Joconde, dont elle a l’intuition qu’il est à l’origine de tout. Armée de sa pugnacité et d’une bonne dose de candeur, la jeune femme finit par décrocher un entretien avec un ancien proche de l’ex-Président. De révélation en révélation, elle finit par comprendre ce qui s’est tramé... et dont bien entendu je me garderais bien de vous révéler quoi que ce soit ! L’intrigue est parfaitement menée, et on la suit de bout en bout sans vouloir la lâcher avant de connaître le fin mot de l'histoire.

Mais l’essentiel n’est pourtant pas là. Au-delà du véritable plaisir que l’on prend à suivre cette aventure, c’est tout ce qui est dit des détenteurs du pouvoir et des relations qu’ils entretiennent avec tous ceux qui gravitent autour d’eux qui est intéressant. Bien sûr, on n’a plus grand chose à apprendre sur le machisme omniprésent réduisant les femmes à de vulgaires objets de consommation, sur cet asservissement volontaire de tous les ambitieux qui veulent leur petite part de pouvoir, sur le cynisme des puissants... 
Ce qui m’a un peu plus étonnée, en revanche, c’est la forme d’aveuglement où se trouvent les personnages, qui lisent les événements à l’aune de leurs seules attentes, de leurs seuls objectifs, sans jamais être capables de déplacer la perspective ou le point de vue pour acquérir plus de clairvoyance. Mais cela en dit long sur leur insondable égotisme, leur mégalomanie et, in fine, leur manque de discernement et leur complète incapacité à éprouver de l’empathie. Ce que l’on a tout loisir d’observer en ce moment... 
Non, tout bien réfléchi, il n’y a rien de surprenant au tableau que brosse Virginie Roels.


Je ne suis pas seule à avoir aimé : Nicole et Joëlle partagent mon enthousiasme ; l'avis de Jostein est plus mitigé


de Sarah Baruck, Albin Michel
La plume de Virginie Roels, Stock
La sonate oubliée de Christiana Moreau, Préludes
La téméraire de Marie Westphal, Stock 
Les parapluies d’Erik Satie de Stéphanie Kalfon, Joëlle Losfeld 
Marguerite de Jacky Durand, Carnets Nord
Marx et la poupée de Maryam Madjidi, Le Nouvel Attila 
Mon ciel et ma terre de Aure Attika, Fayard
Ne parle pas aux inconnus de Sandra Reinflet, Jean-Claude Lattès 
Nous, les passeurs de Marie Barraud, Robert Laffont 
Outre-mère de Dominique Costermans, Luce Wilquin 
Presque ensemble de Marjorie Philibert, Jean-Claude Lattès
Principe de suspension de Vanessa Bamberger, Liana Levi


20 commentaires:

  1. Why not ? Mais pas tout de suite, j'en ai un peu soupé des histoires de com pol... J'ai envie de livres qui m'emmènent bien loin de cette campagne présidentielle nauséabonde.

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    1. Oui, je peux comprendre... J'aurais eu les mêmes préventions si le ton n'avait été celui, léger, sous forme d'intrigue policière que l'auteure a choisi.

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  2. Je suis allée lire l'avis de Jostein pour voir. En fait, plus que le roman lui-même, c'est le moment qui est mal choisi pour elle et je le comprends. Il y a overdose côté comportements nauséabonds ou horriblement arrogants. Je suis intéressée, mais plus tard, là, le sujet est trop chaud et rabâché au quotidien.

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    1. Je comprends très bien ta réaction. En ce qui me concerne, ça a été le contraire : je voulais le lire maintenant parce qu'il s'inscrivait dans l'actualité.

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  3. J'ai comme toi aimé le ton léger, plein d'humour caustique de l'auteure et la façon qu'elle a de mener l'intrigue comme dans un polar.
    J'ai passé un très bon moment avec ce roman sans aller jusqu'à ton enthousiasme car à certains moments j'ai trouvé qu'elle forçait un peu trop le trait...

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    1. J'aimerais me dire qu'elle l'a forcé. Mais je n'en suis pas si sûre, malheureusement. Et ce n'est pas ce que j'observe en ce moment dans cette campagne la plus nauséabonde et la plus vide de sens politique qu'on ait connue qui le démentira...

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  4. Moi qui ai lu pas mal de politique fiction ces derniers mois, j'ai également apprécié le parti-pris de légèreté et de causticité de Virginie Roels qui n'élude pas les problèmes mais rend la pilule plus digeste, voire agréable. L'idée de se glisser dans la peau d'une journaliste des coulisses de la TV apporte un décalage salutaire... Vraiment très sympa ce roman !

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    1. Oui, elle a vraiment trouvé un ton qui permet d'éviter le phénomène de saturation. Je l'ai lu d'une traite et je me suis vraiment régalée !

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  5. Pourquoi pas, si je le trouve à la bibliothèque... mais comme les copines, j'attendrai un peu.

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  6. Merci pour le lien. Comme Joëlle, je trouve que l'auteur force un peu trop le trait, ce qui est normal dans une satire mais, effectivement, en ce moment, j'avais besoin d'un peu d'humanité dans ce milieu de la politique.
    Et Virginie Roels m'a fourni le côté moralisateur du roman : " C'est une satire, mais aussi une injonction à ce que les politiques s'ouvrent à la jeunesse avant qu'elle ne leur échappe"

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    1. Oui, ça et bien d'autres choses encore ! La tâche est rude et les politiques ont malheureusement d'ores et déjà perdu de très nombreux citoyens, et de tous âges... J'ai envie de croire qu'il existe des personnes engagées guidées par un idéal, par la volonté de servir l'intérêt général et non leurs intérêts personnels. J'ai aussi envie de croire qu'il existe de multiples formes d'engagement citoyen pour faire bouger les choses là où, à titre individuel, on a le pouvoir de le faire. A chacun de se mobiliser à son échelle. Mettre un bulletin dans l'urne est loin d'être suffisant, même si c'est indispensable pour éviter le pire.

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  7. J'avoue qu'au vu du contexte politique actuel, c'est typiquement le genre de livres que je n'ai pas envie de lire... L'idée qu'il surfe sur le dit-contexte, me rebute particulièrement (quelle que soit la qualité littéraire du roman dont je ne peux évidemment juger) ou comment appuyer à grands traits que la vie politique actuelle n'est qu'un autre nom pour produit marketing vendeur.

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    1. Je veux croire que l'auteure est dénuée de ce type de tentation. Et lorsque je vois les réactions sur cette page, j'ai l'impression que l'objectif recherché serait loin d'être atteint...

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  8. J'en ai tellement ras la casquette de cette politique que ce n'est certainement pas ce genre de livre que j'ai envie de lire actuellement ^^

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    1. Eh bien, au contraire, j'aime aborder ce qui me touche au quotidien par le biais de la fiction, surtout quand c'est très réussi, comme ici !

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  9. Certainement édifiant, mais je préfère ne pas plonger dans ce sujet pour le moment, je suis déjà assez écœurée par les élections actuelles !

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  10. J'avoue que je sature niveau politique, même s'il a l'air intéressant, je n'en peux plus.

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    1. J'avoue que là, moi aussi. Ma lecture remonte quand même à plus d'un mois et, là, je suis exsangue ! Mais d'ici quelque temps... peut-être ?

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